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Les musées, acteurs crédibles du développement durable ?

Captations de la soirée-débat déontologie du 17 février 2022
Objectifs de développement durable - affiche ICOM France et INP - Soirée débat du 17 février 2022 18h-21h

 

« Disons-le franchement : les musées n’ont pas encore fait leur révolution écologique. Alors, faut-il arrêter de faire des expositions ? Non, bien sûr, mais il serait peut-être temps de changer certaines pratiques, en privilégiant par exemple les prêts d’œuvres en circuit court ou en recyclant les éléments de scénographie, car s’il fait frais dans les musées, cela peut un jour se mettre à chauffer pour eux »1.

Voilà ce qu’on lisait dans l’Œil, il y a juste deux ans. Heureusement, parmi les observateurs critiques des musées, certains voient aujourd’hui, entre « musée et écologie, un tournant majeur ! la transition écologique est en route : longtemps pointées du doigt, les institutions culturelles s’activent pour réduire leur empreinte carbone »2.

La pandémie, en effet, a marqué un tournant. Dès les premières fermetures de mai 2020, plusieurs dirigeants de musées ont pris la plume pour exprimer eux-mêmes leur désir de mettre fin au « productivisme », au turn-over rapide d’exposition d’œuvres ayant un long parcours de transport à leur actif et rappeler que nombre d’équipes, dans les musées, n’avaient pas attendu la crise sanitaire et les leçons de vertu pour agir. Le discours est devenu très audible, car tous les professionnels, dans un mouvement de résilience partagé, ont alors aspiré à prendre leur part de la reconstruction du musée de demain, responsable et durable. A ICOM France, un cycle de débat sur plateforme, hâtivement monté et efficacement conduit, porte témoignage de ces volontés de changement, émanant de tous les acteurs de tous les musées, grands et petits3. Porté par des professionnels, ce débat trouve aussi sa véritable ampleur et ne se focalise pas sur les expositions, activité certes la plus visible pour le grand public, mais pas seule concernée par l’enjeu de l’éco-responsabilité : transport, climatisation des réserves, et même déplacements des publics … sont à prendre en compte dans leur bilan carbone !

Les désastres climatiques de l’été 2021 ont accéléré le sentiment d’une urgence, face à laquelle une mobilisation d’envergure s’imposait. Le développement durable s’est invité sur le devant de la scène, au sens le plus large de l’agenda 2030 : construire une société économiquement et socialement viable. Les musées ont compris qu’ils pourraient en être des acteurs-clés. L’ICOM avait déjà, lors de son assemblée générale de septembre 2019, adopté la résolution « Développement durable et mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, Transformer notre monde ». Ce programme, mis en place par l’ONU en 2015 et signé par la majorité des états membres lors des Accords de Paris, inclut les 17 Objectifs du Développement Durable, qui visent à répondre aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux liés aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement et viser à la prospérité économique, à la paix et à l’éducation…. L’ICOM invite ses musées adhérents à suivre cette voie. Un groupe de travail (Working Group on Sustainability) a été créé en septembre 2018 pour permettre un accompagnement méthodologique.

A notre tour, à ICOM France, nous avons décidé, mi-2021, de contribuer à cette mission et d’y impliquer ses membres : lancement d’un questionnaire et constitution d’un groupe de volontaires, sensibilisés aux enjeux ou déjà impliqués dans des actions concrètes de leurs établissements. La réponse a été forte dès le mois d’août. Elle a permis de recenser de nombreuses expériences et pratiques organisationnelles, qu’il est vite apparu opportun de partager, de valoriser et d’enrichir.

C’est le premier objectif de la soirée-débat déontologie du 17 février prochain.

Le deuxième objectif est prospectif : quelle part incombe aux musées, au-delà de l’adoption de pratiques vertueuses, pour contribuer collectivement aux objectifs de l’agenda 2030 ?

Robert Janes le formule ainsi dans un article titré « Museums in perilous times » :

« Les musées sont éminemment qualifiés pour aborder le changement climatique pour diverses raisons, en plus de leur vision profonde du temps qui passe. Ils sont ancrés dans leurs sociétés ; ils sont un pont entre la science et la culture ; ils témoignent en rassemblant des preuves et des connaissances qu’ils ont la charge de faire connaître ; ils sont des conservatoires des pratiques durables qui ont guidé notre espèce pendant des millénaires ; ils sont compétents pour rendre l'apprentissage accessible, engageant et amusant, et enfin, ils sont parmi les environnements de travail les plus libres et créatifs au monde »3.

Lors du G20 centré sur la Culture réuni à Rome l’été dernier, le Président d’ICOM - seules deux ONG étaient conviées, dont ICOM et son intervention figure dans la déclaration finale - a positionné à son tour les musées comme des acteurs-clés en tant qu’institutions parmi les plus crédibles.

La responsabilité qui incombe aux musées, en raison de leur crédibilité, est d’agir pour informer et convaincre leurs visiteurs, influencer leurs perceptions et leurs comportements. Comment est-ce intégré aujourd’hui dans la conception des expositions futures et de la programmation culturelle associée ? Le débat n’a pas de frontière et les musées forment un réseau mondial très dense, structuré depuis trois-quarts de siècle par l’ICOM, qui peut avoir un impact fort si les efforts convergent. On invitera les professionnels de tout le réseau d’ICOM à en témoigner et à présenter leurs projets. Certains conçoivent déjà des musées entièrement dédiés aux « problématiques environnementales, au développement durable et aux solutions possibles » (Climate Museum de New York, créé en 2016), beaucoup œuvrent à de leurs de nouvelles présentations.

Enfin, on s’interrogera, avec l’INP, sur les dispositifs de formation à l’œuvre et sur l’enjeu de sensibilisation des futurs professionnels de musées.

JRD, janvier 2021

(1) Fabien Simode,, « Le mauvais bilan carbone des expositions », L’Oeil-Le Journal des arts, 30 septembre 2019.

(2) Mailys Celeux-Lanval, « Musées et écologie : un tournant majeur », Beaux Arts magazine, 22 octobre 2021.

(3) Version originale : « In addition to their deep view of time, museums are eminently qualified to address climate change for a variety of reasons. They are grounded in their communities and are expressions of locality; they are a bridge between science and culture; they bear witness by assembling evidence and knowledge, and making things known; they are seed banks of sustainable living practices that have guided our species for millennia; they are skilled at making learning accessible, engaging and fun, and last, they are some of the most free and creative work environments in the world. » dans Museum Management and Curatorship, Volume 35, Issue 6: Museums and climate action, ICOM, 2020, pages 587-598.

Programme

Ouvertures

Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine (Inp)

Juliette Raoul-Duval, présidente d’ICOM France

Intervenants

Carine Ayélé Durand, responsable de l'unité collection du Musée d'ethnographie de Genève et directrice ad interim du Musée d'ethnographie de Genève ;

Nathalie Bondil, directrice du département du musée et des expositions de l’Institut du monde arabe ; 

Etienne Bonnet-Candé, administrateur général du Palais des Beaux-Arts de Lille ;

Elsa Boromée, conseillère développement durable au Muséum d’histoire naturelle de Paris ;

Hélène Guenin, directrice du MAMAC, Nice ;

Sonia Lawson, directrice du Palais de Lomé - centre d’art et de culture, Lomé - Togo;

Bettina Leidl, présidente d’ICOM Autriche, directrice de la Kusnt Haus Wien - Autriche ;

Olivier Lerude, haut fonctionnaire au Développement durable du ministère de la Culture ;

Lucie Marinier, professeure du Conservatoire national des Arts et Métiers, titulaire de la chaire d’ingénierie de la culture et de la création ;

Henry McGhie, membre du groupe de travail sur le développement durable de l’ICOM international, directeur de l'agence Curating Tomorrow - Royaume-Uni ;

Aude Porcedda, professeure au Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’Université du Québec à Trois-Rivières ;

Karin Weil, responsable du patrimoine naturel et culturel au Centro de Humedales Río Cruces - Chili ;

Modératrices : Estelle Guille des Buttes et Hélène Vassal, membres du bureau d’ICOM France.

Retrouvez la séance 

Captation en français, première partie

Captation en français, deuxième partie

Podcast en anglais

Podcast en espagnol