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Appel à contribution // Revue In situ

Au regard des sciences sociales : "Les visiteurs du Patrimoine"
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In Situ. Au regard des sciences sociales, appel à contributions : « Les visiteurs du patrimoine »

Date limite d’envoi des contributions : 8 mars 2023

Coordination scientifique

Anne Gaugue, géographe, maîtresse de conférences HDR, université Clermont-Auvergne.

Olivier Lazzarotti, géographe, professeur à l’université de Picardie-Jules-Verne.

Lily Martinet, chargée de mission pour le patrimoine culturel immatériel et l’ethnologie de la France, Département de la recherche, de la valorisation et du patrimoine culturel immatériel, ministère de la Culture, co-rédactrice en chef de la revue In Situ. Au regard des sciences sociales.

Au début du xixe siècle européen, les inventeurs des monuments faisaient peu de cas des visiteurs et décidaient, seuls, des faits et lieux dignes d’être retenus (par exemple en dressant, à partir de 1840, une liste des « monuments historiques »). Or, les visiteurs deviennent, au cours des années 1960 des éléments constitutifs de sites désormais qualifiés de patrimoniaux. De l’appel au monde d’André Malraux à propos d’Abou Simbel à celui de l’Unesco pour « Sauver Venise », la cause patrimoniale n’a cessé d’être soutenue par les opinions publiques, conséquemment par les visiteurs, le cas échéant des touristes. Et cela n’est pas insignifiant : par leurs présences in situ, ceux-ci ne font pas que participer à la transmission du ou des sens de ces lieux. Représentants de la société globale, ils interprètent, parfois contestent, à l’occasion cautionnent, souvent s’approprient et de la sorte transforment le sens initial donné aux sites.

Dans tous les cas donc, les visiteurs physiquement présents participent à la production et à la transmission des mémoires. Autrement dit, ils contribuent à la sélection de ce qui est retenu, et implicitement de ce qui est oublié. Ce faisant, ils entretiennent les mémoires et, par une actualisation permanente, sont parties prenantes de leur élaboration. D’où l’une des problématiques de cet appel à contributions : des sachants, érudits et experts, qui les désignent aux visiteurs qui les fréquentent, comment se combinent les jeux d’acteurs décidant de ce qui est mémorisé ? Autrement dit, qui sélectionne ce qui mérite d’être retenu et de comment il doit ou peut l’être, et réciproquement ce qui est oublié ?

D’un côté, les stricts tenants de la conservation mémorielle, soucieux de préservation, craignent que certains visiteurs ne desservent les lieux ou n’en modifient les pratiques. Les éléments patrimoniaux seraient menacés par le nombre « excessif » de visiteurs. Du reste, ce n’est pas pour rien que l’Unesco elle-même se dota d’une référence en la matière, réfléchissant en termes de « limite de charge acceptable ». De l’autre côté, si quelques sites et expressions culturelles traditionnelles peuvent « se plaindre » d’une fréquentation « excessive », dans la majorité des cas, c’est le contraire qui advient. Ce que déplorent leurs responsables, c’est alors de ne pas avoir assez de visiteurs. Mais quel est, s’il y en avait un, le « bon » nombre des visiteurs ? Comment l’évalue-t-on ?

Si les enjeux sont matériels et économiques, ils sont aussi symboliques. Ces tensions, qui vont parfois jusqu’aux conflits, prennent en effet une tournure et une visibilité particulières avec des sites tragiquement marqués par les passages de l’histoire, tel Hiroshima, dont le classement au patrimoine mondial de 1996 ne se fit pas sans heurts, ou Oświęcim.

Axes et problématiques envisagés

Dans une problématique générale qui revient à interroger ce que les visiteurs font au patrimoine, et inversement, trois axes, non exclusifs, peuvent être tracés.

1. Des patrimoines visités ?

À la recherche du « nombre idéal » de visiteurs ?

Entre « trop » et « pas assez », quel serait le « bon » nombre de visiteurs ? De la « surfréquentation » au « surtourisme », quelles réponses ont été apportées et quelles réponses sont apportées ? Qui fait de telles évaluations ? Quelle est l’importance des impératifs économiques, sociaux et symboliques dans ces évaluations ? Quelles actions en découlent et comment « réguler », si nécessaire, les visiteurs ?

À la recherche des « visiteurs idéaux » ?

Quel est le décalage entre le « visiteur réel » et le « visiteur idéal »  ? Les visiteurs ne forment pas un groupe homogène, ni du point de vue des pratiques ni du point de vue des représentations. Par exemple, est-il tolérable de faire un selfie à l’entrée du camp d’extermination d’Auschwitz ? Les visiteurs peuvent-ils s’affranchir des protocoles coutumiers prescrivant ou proscrivant certains comportements ? À titre d’exemple, était-il acceptable qu’ils aient par le passé escaladé le rocher d’Uluru (Australie) alors même que les traditions aborigènes l’interdisent ? Finalement, qui décide ainsi des « bonnes » pratiques ? Et comment envisager la présence des visiteurs – de leur participation active (par exemple lors des fest-noz en Bretagne) à leur observation passive (des sorties de masques au pays Dogon (Mali) aux danses balinaises) – lorsque le patrimoine immatériel est donné à voir ?

2. Des visiteurs sans patrimoine ?

Comment faire, aujourd’hui, un bilan des fac-similés – tels que, parmi d’autres, les reproductions multiples de la grotte de Lascaux ou de celle Cosquer – ou des mondes virtuels, comme le métavers, qui visent à recréer des éléments du patrimoine ? Le regard porté sur des doubles numériques d’œuvres est-il comparable à l’expérience d’un parcours muséal ? Autrement encore : comment les mises en spectacles de chants, de danses ou de rituels traditionnels jouent-elles sur leurs réceptions par le public ? Ces expériences seraient-elles les modalités actuelles pour, tout à la fois, détourner et alimenter une problématique contemporaine : comment concilier visites et préservation ?

3. Qui produit quelles mémoires ?

Les logiques des visiteurs, porteurs parfois de leurs propres lectures du patrimoine, se croisent avec celles des autres acteurs, les érudits, les experts réunis ou non en associations ou membres des institutions culturelles, qui, à l’occasion, s’érigent en représentants des mémoires officielles. Comment s’articulent-elles les unes aux autres ? Comment se déroulent les processus de mémorisation qui, finalement, déterminent ce dont les sociétés se souviennent et de ce qu’elles oublient ?

D’une manière générale, donc, les contributeurs répondant à cet appel chercheront à décliner, analyser et confronter les termes du problème soulevé : que font les visiteurs aux patrimoines ?

Ces thématiques n’enferment ni ne limitent le sujet. Toutes les autres seront les bienvenues. Le propos général de cet appel est en d’autres termes d’examiner, le plus largement et le plus ouvertement possible, les multiples effets des visiteurs sur les patrimoines.

Le champ d’études est mondial et tous les types de patrimoines – matériel, immatériel, naturel, etc. – peuvent être convoqués. L’appel à contributions s’adresse à toutes les sciences sociales et humaines, aux chercheurs, aux praticiens et aux professionnels du patrimoine.

Propositions de contributions

Les articles proposés devront contenir une part inédite de recherche, d’hypothèse ou de mise à jour ; ils ne sauraient reprendre la totalité d’un texte déjà paru.

Les contributions seront étudiées en conformité avec la politique d’évaluation de la revue. Si vous souhaitez contribuer à ce numéro, nous vous remercions d’envoyer avant le 8 mars 2023 un résumé de votre proposition de 1500 signes au maximum, ainsi qu’un court CV.

¨ par courriel :

insitu.arss@culture.gouv.fr

¨ ou par voie postale :

Ministère de la Culture

Direction générale des Patrimoines et de l’Architecture

Revue In Situ. Au regard des sciences sociales

à l’attention de Nathalie Meyer

6, rue des Pyramides

75001 Paris

Les textes des articles correspondant aux propositions retenues sont attendus pour le 1er septembre 2023. Vous pourrez rédiger votre contribution en français ou dans votre langue d’usage. Elle sera publiée dans sa version originale et dans sa traduction française. La taille des articles sera comprise entre 15 000 et 35 000 signes, espaces, notes et bibliographie compris.

Les recommandations aux auteurs concernant le nombre de pages, les illustrations, l’insertion de notes et de liens, etc. sont consultables sur le site de la revue :

https://journals.openedition.org/insituarss/276

En savoir plus :

« Les visiteurs du patrimoine » : appel en français --> https://journals.openedition.org/insituarss/2466

‘Cultural Heritage Visitors’ : appel en anglais -->  https://journals.openedition.org/insituarss/2470