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Utilisation des générateurs de nitrogène pour les anoxies

Sous-titre
Dérogation signée le 15 juillet par la Commission Européenne
ICOM France relaie la dérogation de la CE valable jusqu'au 31/12/2024

Décision d'exécution de la Commission européenne datée du 15 juillet 2020 permettant à la France d'autoriser les produits biocides constitués d'azote généré in situ pour la protection du patrimoine culturel

Le texte en langue française est le seul faisant foi 

LA COMMISSION EUROPÉENNE, 

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, 

vu le règlement (UE) nº 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides1, et notamment son article 55, paragraphe 3, 

Après consultation du comité permanent des produits biocides, 

considérant ce qui suit: 

(1) L’annexe I du règlement (UE) nº 528/2012 énumère les substances actives qui présentent des caractéristiques plus favorables pour l’environnement ou la santé humaine ou animale que les produits chimiques plus dangereux. Les produits contenant ces substances actives peuvent donc être autorisés dans le cadre d’une procédure simplifiée. L’azote figure sur la liste de l’annexe I du règlement (UE) nº 528/2012, mais ne peut être utilisé qu’en quantités limitées dans des cartouches prêtes à l’emploi. 

(2) En vertu de l’article 86 du règlement (UE) nº 528/2012, l’azote est autorisé en tant que substance active en vue de son utilisation dans les produits biocides du type de produits 18 (insecticides)2. Les produits biocides constitués d’azote tel qu’approuvé sont autorisés dans plusieurs États membres dont la France et sont fournis dans des bouteilles à gaz3

(3) L’azote peut également être généré in situ à partir de l’air ambiant. L’azote généré in situ n’est pas approuvé actuellement en vue de son utilisation dans l’Union et il n’est inscrit ni sur la liste de l’annexe I du règlement (UE) nº 528/2012 ni sur la liste des substances actives faisant partie du programme d’examen des substances actives existantes contenues dans des produits biocides de l’annexe II du règlement délégué (UE) nº 1062/2014 de la Commission4. 

(4) En vertu de l’article 55, paragraphe 3, du règlement (UE) nº 528/2012, la France a soumis, le 14 janvier 2020, une demande de dérogation à l’article 19, paragraphe 1, point a), dudit règlement à la Commission, demandant à celle-ci de lui permettre d’autoriser les produits biocides constitués d’azote généré in situ à partir de l’air ambiant en vue de la protection du patrimoine culturel (ci-après la «demande»). 

(5) Le patrimoine culturel peut subir des dommages causés par une grande variété d’organismes nuisibles, allant des insectes aux micro-organismes. La présence de ces organismes nuisibles peut non seulement entraîner la perte du bien culturel proprement dit, mais elle risque de s’étendre à d’autres objets environnants. Sans traitement approprié, les objets pourraient être irrémédiablement détériorés. Le patrimoine culturel s’en trouverait gravement menacé. 

(6) L’azote généré in situ est utilisé pour créer une atmosphère contrôlée à très faible concentration en oxygène (anoxie) dans des tentes ou chambres de traitement hermétiques permanentes ou temporaires servant à lutter contre les organismes nuisibles présents sur des objets appartenant au patrimoine culturel. L’azote est séparé de l’air ambiant et injecté dans la tente ou chambre de traitement, dans laquelle la teneur en azote de l’atmosphère est portée à environ 99 %, de sorte que l’oxygène en est presque totalement supprimé. L’humidité de l’azote injecté dans la zone de traitement est réglée en fonction des caractéristiques de l’objet à traiter. Les organismes nuisibles ne peuvent survivre dans les conditions créées dans la tente ou chambre de traitement. 

(7) Selon les informations transmises par la France, l’utilisation d’azote généré in situ se révèle être la seule technique efficace de lutte contre les organismes nuisibles qui peut être employée pour tous les types de matériaux et combinaisons de matériaux présents dans les collections de musée, les expositions et les sites du patrimoine culturel, sans endommager ces matériaux et pour un prix raisonnable. 

(8) La méthode de l’anoxie ou de l’atmosphère modifiée ou contrôlée est mentionnée dans la norme EN 16790:2016 «Conservation du patrimoine culturel. Gestion intégrée des nuisibles (IPM) pour la protection du patrimoine culturel» et cette norme décrit l’azote comme étant le gaz «le plus utilisé» pour créer l’anoxie. 

(9) D’autres techniques de lutte contre les organismes nuisibles sont disponibles, telles que les traitements à basse ou à haute température et les rayons gamma. En outre, d’autres substances actives peuvent être utilisées. Néanmoins, selon la France, chacune de ces techniques a des limites au regard des dommages qu’elles peuvent occasionner à certains matériaux pendant le traitement et aucune d’entre elles ne peut donc être utilisée seule pour le traitement de tous les types de matériaux et combinaisons de matériaux. 

(10) Selon les informations communiquées par la France, en ce qui concerne la technique de désinsectisation par le froid, on peut douter de son adéquation pour toutes les collections de beaux-arts et d’arts décoratifs. Pour les oeuvres composées de matériaux stratifiés (oeuvres peintes, vernies ou cirées, marquetées ou incrustées de fils), cette technique peut présenter un risque d’endommagement des objets. Or, ce type de doute n’est pas acceptable pour ce qui concerne la préservation du patrimoine culturel figurant dans l’inventaire national, conformément aux politiques nationales en matière de conservation applicables aux institutions détenant des collections publiques. 

(11) Par ailleurs, comme indiqué dans la demande, la désinsectisation par élévation de la température n’est pas une technique largement utilisée par les institutions du patrimoine culturel. Comme dans le cas de la désinsectisation par le froid, les effets du traitement par la chaleur sur les matériaux stratifiés suscitent des inquiétudes. En outre, le traitement par la chaleur comporte des risques supplémentaires de perte d’adhérence des adhésifs, de ramollissement des éléments contenant de la cire et de remontée en surface de produits chimiques précédemment utilisés, entraînant l’apparition de taches à la surface des objets. 

(12) Selon les informations figurant dans la demande, la technique des rayons gamma nécessite un équipement particulier répondant à des exigences de sécurité spécifiques pour sa mise en oeuvre et elle requiert des compétences avancées. Il s’agit donc d’une technique coûteuse et difficile à reproduire. En outre, cette technique ne convient pas aux matériaux transparents ou translucides, qui ont tendance à s’opacifier ou à se tacher en réaction aux rayons gamma. 

(13) La demande établit que l’utilisation de produits biocides contenant d’autres substances actives disponibles sur le marché en France laisse sur les oeuvres traitées des résidus qui peuvent être disséminés dans l’environnement, ce qui représente un risque pour la santé humaine. En outre, ces substances présentent des inconvénients importants en ce qui concerne la conservation physique des oeuvres culturelles, car nombre d’entre elles peuvent induire des changements de couleur, des exsudations huileuses ou collantes, des cristallisations de surface ou des altérations de l’ADN des matériaux d’origine animale. 

(14) Au cours des dernières décennies, dans le cadre d’une lutte intégrée contre les organismes nuisibles destinée à protéger le patrimoine culturel, un nombre croissant d’institutions du patrimoine culturel ont cherché des solutions pour abandonner l’utilisation de produits chimiques potentiellement dangereux et se sont tournées vers des techniques — telles que l’anoxie — plus douces pour les collections du patrimoine culturel et dont les effets sont moins préjudiciables pour leurs utilisateurs. 

(15) Selon les informations figurant dans la demande, l’utilisation de l’azote en bouteille ne constitue pas une solution de remplacement appropriée pour les musées et les sites du patrimoine culturel, car elle présente des inconvénients d’ordre pratique et économique. Des transports fréquents et des installations de stockage séparées sont nécessaires en raison de la quantité limitée de gaz dans les bouteilles. Le stockage d’un grand nombre de bouteilles comporte des risques en matière de sécurité liés à la présence de gaz sous pression. Le traitement par anoxie utilisant de l’azote généré in situ entraîne des coûts moins élevés pour les institutions du patrimoine culturel que ceux découlant de l’utilisation de l’azote en bouteille. Au-delà de l’investissement initial dans la chambre de traitement et le générateur d’azote in situ, ledit traitement n’entraîne aucun autre coût. 

(16) Demander aux musées et aux sites du patrimoine culturel d’utiliser plusieurs techniques pour lutter contre les organismes nuisibles – chacune d’entre elles convenant à des matériaux et objets spécifiques – plutôt que d’en utiliser une déjà employée et adaptée à tous les matériaux entraînerait des coûts supplémentaires pour ces établissements et les éloignerait de l’objectif consistant à abandonner l’utilisation de substances actives plus dangereuses dans le cadre de la lutte intégrée contre les organismes nuisibles. 

(17) La possibilité d’accorder, en vertu de l’article 55, paragraphe 3, une dérogation pour l’azote généré in situ a été examinée lors de plusieurs réunions5 du groupe d’experts de la Commission réunissant des représentants des autorités compétentes en matière de produits biocides en 2019. 

(18) En outre, à la demande de la Commission, à la suite de la première demande de dérogation similaire concernant les produits constitués d’azote généré in situ présentée par l’Autriche, l’Agence européenne des produits chimiques a procédé à une consultation publique sur cette demande, permettant à toutes les parties intéressées de donner leur avis. La grande majorité des 1 487 commentaires reçus était favorable à la dérogation. De nombreux contributeurs ont exposé les inconvénients des autres techniques disponibles: les traitements thermiques peuvent endommager certains matériaux; l’utilisation d’autres substances actives laisse sur les objets des résidus toxiques qui sont disséminés progressivement dans l’environnement; l’utilisation d’azote en bouteille ne permet pas de contrôler l’humidité relative dans la zone de traitement, ce qui est nécessaire pour le traitement de certains matériaux. 

(19) Deux organisations internationales représentant les musées et les sites du patrimoine culturel – le Conseil international des musées et le Conseil international des monuments et des sites – ont fait part de leur intention de présenter une demande d’inscription de l’azote généré in situ à l’annexe I du règlement (UE) nº 528/2012, ce qui permettrait aux États membres d’autoriser les produits constitués d’azote généré in situ sans qu’il soit nécessaire d’accorder une dérogation en vertu de l’article 55, paragraphe 3, dudit règlement. Toutefois, l’évaluation d’une telle demande, l’inscription de la substance concernée à l’annexe I du règlement (UE) nº 528/2012 et l’obtention des autorisations de produits demandent du temps. 

(20) La demande montre qu’aucune solution de remplacement appropriée n’est actuellement disponible en France, car toutes les techniques de substitution actuellement disponibles présentent des inconvénients, de par leur incapacité à traiter tous les matériaux, ou sur le plan pratique. 

(21) Il convient de conclure de l’ensemble de ces arguments que l’azote généré in situ est essentiel à la protection du patrimoine culturel en France et qu’aucune solution de remplacement appropriée n’est disponible. Il y a donc lieu de permettre à la France d’autoriser la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides constitués d’azote généré in situ pour la protection du patrimoine culturel. 

(22) L’inscription éventuelle de l’azote généré in situ à l’annexe I du règlement (UE) nº 528/2012 et l’autorisation ultérieure par les États membres des produits constitués d’azote généré in situ demandent du temps. Il convient donc d’accorder une dérogation pour une période permettant d’accomplir les procédures s’y rapportant, 

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION

Article premier 

La France peut autoriser la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides constitués d’azote généré in situ pour la protection du patrimoine culturel jusqu’au 31 décembre 2024. 

Article 2 

La République française est destinataire de la présente décision. 

Fait à Bruxelles, le 15.7.2020 

Par la Commission 

Stella KYRIAKIDES Membre de la Commission 

1 JO L 167 du 27.6.2012, p. 1. 
2 Directive 2009/89/CE de la Commission du 30 juillet 2009 modifiant la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil aux fins de l’inscription de l’azote en tant que substance active à l’annexe I de ladite directive (JO L 199 du 31.7.2009, p. 19). 
3 La liste des produits autorisés est disponible à l’adresse suivante: https://echa.europa.eu/fr/information-on-chemicals/biocidal-products&nb…;
4 Règlement délégué (UE) nº 1062/2014 de la Commission du 4 août 2014 relatif au programme de travail pour l’examen systématique de toutes les substances actives existantes contenues dans des produits biocides visés dans le règlement (UE) nº 528/2012 du Parlement européen et du Conseil (JO L 294 du 10.10.2014, p. 1).
5 83e, 84e, 85e et 86e réunions du groupe d’experts de la Commission réunissant des représentants des autorités compétentes en matière d’application du règlement (UE) nº 528/2012, tenues respectivement en mai 2019, juillet 2019, septembre 2019 et novembre 2019. Les comptes rendus des réunions sont disponibles à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/health/biocides/events_en#anchor0