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Lettre de l'Icom France n°26

Editorial

‘’Vous voulez acheter un mammouth laineux ?’’

Voilà l’annonce parue il y a quelques semaines sur un site web localisé aux USA. Ce même site se porte d’ailleurs acquéreur de pièces tant ethnographiques que paléontologiques, et déclare disposer d’un large choix d’objets muséaux offerts à la vente.

Au-delà d’objets d’art et d’ethnographie, des spécimens naturalisés et des fossiles sont ainsi de plus en plus fréquemment proposés sur le WEB.

Dès lors qu’une valeur commerciale existe – dans le secteur de la paléontologie cité précédemment, un fossile de Tyrannosaure rex a été vendu aux enchères cinquante millions de francs, aux USA, il y a un an- le WEB est utilisé pour mettre aux enchères patrimoniaux et ainsi développer le commerce voire créer un marché, dans des domaines jusque-là relativement préservés.

Alors qu’une majorité de pays, dont la France, n’ont toujours pas ratifié la convention Unidroit[1] « sur les biens culturels volés ou illicitement exportés », le WEB est mis à profit pour favoriser le développement d’un marché qui joue de la faiblesse des législations nationales et internationales et semble parfois flirter avec le trafic illicite.

Dans le « moins pire des cas » cet usage du WEB amplifie l’enrichissement patrimonial des musées des pays –ou des fondations- les plus riches, aux dépens des populations ayant des musées moins biens dotés. Dans le pire des cas, cet usage du WEB aboutit à la perte pour le public et la communauté scientifique, d’éléments de patrimoines qui mériteraient le qualificatif de « national » voire « international ».

Nous nous félicitons dans ce contexte de l’organisation à l’initiative de l’ICOM en l’An 2000, en France, d’un séminaire sur le trafic illicite en Europe.

Souhaitons que cette manifestation soit aussi l’occasion de favoriser une plus large ratification de la convention Unidroit sur les « biens culturels volés ou illicitement exportés » et que soient considérées les améliorations possibles de la protection de secteurs délaissés –comme celui des fossiles- ainsi que la régulation du commerce des biens culturels sur le WEB.

‘’Voulez-vous vendre votre musée ?’’

C’est ce qu’on ne trouve pas encore sur le WEB –du moins ce n’est le cas que de parties de collections hors de France-, mais c’est l’incertitude qui taraude plusieurs de nos collègues français, face à l’attitudes de certaines collectivités territoriales ou institutions, qui « délèguent le service public » dont elles ont la charge vis-à-vis de tel ou tel musée, à des entreprises privées.

A l’opposé d’une attitude frileuse sur les questions de gestion des musées, comme voudraient le faire croire certains, une réflexion est engagée par l’Association générale des Conservateurs, la Fédération des Ecomusées et le comité français de l’ICOM, pour contribuer à la modernisation de la gestion des musées dans le respect de leurs missions de service public.

Le débat engagé publiquement début novembre lors des journées Ptolémée à la Cité des Sciences et de l’Industrie, a entre autre favorisé la présentation par M. Robert Lecat du rapport de l’inspection générale de l’Administration des Affaires culturelles sur la « rénovation des instruments juridiques des services publics culturels locaux[2] ». Le débat s’est poursuivi lors des journées d’étude de l’Association générale des Conservateurs (17-19 novembre) et notre comité ICOM-France, en organisant son assemblée générale le vendredi 14 janvier 2000à Agen mettra à profit la proximité régionale avec l’Espagne, pour présenter l’approche espagnole de la gestion des musées. Nous espérons ainsi favoriser, avec votre participation, un échange entre professionnels de nos deux pays sur cette question qui sera dans deux ans au cœur de la conférence triennale de l’ICOM, en 2001 à Barcelone.

En espérant que vous serez nombreux à participer à l’Assemblée générale d’Agen, je vous adresse dès à présent, avec l’ensemble du bureau d’ICOM-France, mes vœux pour la dernière année du deuxième millénaire et pour des musées intégrés dans la Société et au service de tous.

Michel Van-Praët


[1] La convention Unidroit sur les biens volés ou illicitement exportés rédigée à Rome en juin 1995, a été signée par la France mais n’a jamais été ratifiée par notre pays. A ce jour, seuls l’ont ratifiée : la Lituanie, le Paraguay, la Roumanie, le Pérou, la Hongrie, la Finlande et l’Italie. Il est à noter que parmi les pays développés, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, le Japon et les USA ne l’ont ni signée ni ratifiée !

[2] Le rapport réalisé par Madame Chiffert et MM Lecat et Reliquet, sur « la rénovation des instruments juridiques des services publics culturels locaux » remis au Ministre de la Culture et de la Communication en février 1999, peut être consulté au secrétariat d’ICOM-France.

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