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Appel à communication - 25ème édition du Festival de l'Histoire de l'art à Fontainebleau

Sous-titre
"Le Vrai, le Faux" Pays invité : l'Autriche
Jusqu'au 3 novembre 2024
Contenu

Que faire de ces objets pris dans le champ du vrai et du faux ? Les exposer ? Les cacher dans les réserves ? Que faire des restaurations des édifices advenues au fil des siècles ? Faut-il montrer les strates historiques d’un édifice ou bien s’en tenir à la dernière version en date ? Autant d’interrogations qui touchent au cœur même de l’histoire de l’art et de ses métiers. Interroger le vrai et le faux dans l’histoire de l’art, ses discours et ses pratiques, exige de prendre en compte les glissements qui peuvent s’opérer entre ces deux notions et au sujet desquelles la réflexion se forme et se transforme au fil du temps et de bien garder à l’esprit que les partages entre vrai et faux se font selon des critères très différents en fonction des contextes culturels et historiques.

Le thème choisi pour cette 14e édition du festival de l’histoire de l’art (du 6 au 8 juin 2025) embrasse tous les champs de notre discipline, c’est pourquoi il est utile de dégager quelques pistes de travail qui ne sont, bien sûr, pas exhaustives :

  • Entre « vrai » et « faux » : « Vrai » et « faux » sont les deux pôles d’une réflexion qui porte en premier lieu sur l’unique et le multiple. Les propositions pourront s’attacher ainsi au statut des différents types de production artistique qui viennent redoubler l’œuvre originale : il en va ainsi de l’interprétation (retranscription de l’originale dans une technique différente), du pastiche (travail réalisé à partir d’une œuvre par un autre artiste pour souligner la manière du premier), de la copie (reproduction fidèle d’une œuvre qui s’annonce comme telle) et bien évidemment du faux, dont les modalités varient entre la contrefaçon intentionnelle (la copie que l’artiste ou le vendeur n’annonce PAS comme telle mais comme original), la falsification de l’authenticité ou encore la reproduction non autorisée d’œuvres protégées par des droits d’auteur.
  • Des histoires de « faux » : L’histoire de l’art est remplie d’œuvres et d’objets qui ont été à un moment considéré comme authentiques et dont on a par la suite démontré qu’il s’agissait de « faux », soit exécutés volontairement pour tromper, soit mal identifiés par celles et ceux qui les ont acquis, exposés et commentés. Les propositions pourront porter sur telle ou telle « affaire » plus ou moins célèbre, sur la manière dont le caractère faux ou inauthentique des œuvres ou d’un ou plusieurs éléments de celles-ci a été découverte, sur les modifications des discours qui ont pu en surgir. La parole des restauratrices et restaurateurs sera ici particulièrement précieuse.
  • Techniques et reproductibilité technique: les questionnements autour du vrai et du faux, de l’unique et du multiple, doivent tenir compte des conditions de production. L’une des problématiques principales de cette édition est l’œuvre d’art aux époques de sa reproductibilité technique, de l’estampe à la photographie aux images numériques actuelles. Ces techniques reproductives successives soulèvent la problématique de l’œuvre originale et de ce que Walter Benjamin appelle son « aura », un concept qui se trouve aujourd’hui détaché des œuvres originales précisément à cause des techniques modernes de reproduction[7]. La dimension technique, celle qui permet à un artiste qui copie ou à un faussaire qui falsifie de s’approcher au plus près du style d’un artiste doit nous retenir et nous amener à nous demander où commence le faux. La création du faux requiert un véritable art de la contrefaçon et si un faussaire repenti souhaite venir partager ses secrets techniques avec le public du festival, qu’il ou elle s’en sente bienvenu.
  • Plaisir de tromper et d’être trompé: dans l’Antiquité puis à partir de la Renaissance, le concept de mimesis possède une importance capitale dans les théories de l’art. Pourra ainsi être interrogée la notion de trompe l’œil qui, quel que soit le medium utilisé, cherche à donner par une exacte représentation l’illusion de la présence de l’objet figuré. Les grandes figures – réelles ou légendaires – de ce genre (Zeuxis et Parrhasios, Bramante, Le Bernin, Cornelis Gijsbrechts ou Louis-Léopold Boilly) pourront être convoquées mais il faudra également convier à nos débats les philosophes qui ont interrogé ce genre et qui et qui contestent la parfaite adéquation du trompe l’œil à la réalité et parlent plutôt du plaisir donné par une illusion connue.
  • Restauration et authenticité : la notion de restauration ou de restitution authentique ou « à l’identique » varie fortement suivant les contextes historiques et culturels.
  • L’histoire de l’art face au faux: quelle(s) position(s) pour l’historien/historienne de l’art face à cette question du vrai et du faux ? Dans une optique historiographique, nous invitons les participantes et participants à se pencher sur la fascination mais aussi la difficulté que certains grands noms de notre discipline ont éprouvé face à ces sujets. Toute aussi importante est la réflexion sur l’appréciation relative qui est attachée à la valeur d’authenticité. Ce qui est considéré comme non-authentique dans une culture, ne l’est pas forcément dans l’autre. Nous sommes particulièrement intéressés à élargir les exemples au-delà de l’art européen. Et puis, il serait intéressant de voir comment l’histoire de l’art peut s’emparer, si ce n’est du faux tout du moins de la fiction, sur un plan méthodologique. Certains de nos collègues historiens et historiennes travaillent depuis plusieurs années selon la méthode de l’histoire contrefactuelle.  Et si ? Et s’il existait une histoire de l’art contrefactuelle ? La méthode contrefactuelle, voici un futur encore trop peu advenu dans le champ de l’histoire de l’art qu’il serait pertinent d’interroger.
  • De l’utilité du faux: aujourd’hui, la valeur de la copie ou de la reproduction ne se conçoit plus en fonction de la virtuosité qu’elles affichent mais de leur utilité. Les fac-similés permettent de montrer des œuvres et des lieux majeurs de l’histoire de l’art trop fragiles pour être visibles, voire de replacer dans son contexte original une œuvre déplacée. Cette problématique engage de nombreuses questions techniques, notamment celle de l’échelle de ces fac-similés (l’échelle 1 des moulages du musée des monuments français et les dimensions inférieures de la « réplique » de la grotte Cosquer à Marseille ne peuvent être mis sur le même plan), des matériaux utilisés pour les produire (voir le travail par exemple de l’atelier Factum Arte à Madrid dont l’imprimante assure des impressions reproduisant la couleur et le relief) et de la dimension éthique de leur utilisation (objectif uniquement financier, accessibilité du public et protection de l’œuvre, défi technique).
  • Connoisseurship versus analyses scientifiques: traditionnellement, les arguments d’authenticité étaient fondés sur les analyses stylistiques qui permettaient d’attribuer une œuvre à un artiste. Aujourd’hui, et ce déjà depuis quelques décennies les méthodes et les outils scientifiques, parfois de laboratoires travaillant de concert avec les institutions culturelles (le C2RMF du Louvre ou le Labart à Louvain-la-Neuve), opposent au discours des experts celui des sciences dites dures. Si parfois les deux discours peuvent en effet s’affronter, comme pour les termes « vrai » et « faux », une opposition aussi binaire et manichéenne n’a pas lieu d’être. Le festival sera heureux de faire dialoguer ces deux méthodes tant « l’intervention du laboratoire dans les questions de critique d’art [est] l’une des principales révolutions [contemporaines]. »
  • Le droit et la valeur de l’original : en lien avec ces discours d’authentification, le thème « Vrai-Faux » demande à la fois d’interroger celles et ceux qui élaborent le discours juridique nécessaire pour faire face aux dérives, mais aussi celles et ceux qui attribuent une valeur aux objets. Nous souhaitons accueillir des propositions abordant le marché de l’art d’hier et d’aujourd’hui, analysant la manière dont le vrai, le faux et toutes les nuances entre ces deux termes modifient, font ou défont la valeur d’une œuvre. Cette problématique engage notamment le domaine de la restauration des monuments historiques et des œuvres. Si, sans le savoir-faire des restaurateurs, soucieux de préserver ou de reconstituer les œuvres dont l’état de conservation est fragile, nombre d’entre elles seraient menacées de disparition, quand est-ce qu’une restauration devient une « hyper-restauration », voire un faux? Où se termine la restauration et où commence la création ?  

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